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Collégialité et décentralisation, fondements d’une véritable autonomie

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Elle a été très discutée depuis 2007, elle revient au premier plan avec les discussions sur le nouveau projet de loi : pourtant l’autonomie est une très vieille idée dans le monde universitaire. La plus vieille, peut-être, puisque les universités médiévales, à Bologne ou à Paris, sont même nées au XIIIe siècle du combat pour l’autonomie face aux pouvoirs politiques ou ecclésiastiques. Les opinions négatives exprimées ces dernières années, faisant de l’autonomie la source de tous les maux universitaires récents, m’ont donc surpris, dans la perspective de cette histoire longue. Je vois dans l’autonomie une avancée significative, d’une certaine manière d’ailleurs en continuité avec les lois Faure et Chevènement, et ce même si les moyens et les dispositifs juridiques ne sont  pas à la hauteur de l’ambition exprimée.

En réalité, le clivage entre partisans et adversaires de l’autonomie est moins politique qu’on ne pourrait le croire, et rappelle plutôt les vieilles oppositions françaises, transversales à la droite et à la gauche, entre jacobins et girondins – bref, entre deux conceptions de l’articulation entre la démocratie et le territoire. C’est à cette aune qu’il faut envisager les débats qui nous occupent actuellement, car l’université française est loin d’être arrivée au bout du chemin dans le domaine de la démocratie.

Au sein de l’institution elle-même, les mécanismes de collégialité peuvent encore être renforcés, sur la base de l’élection, qui donne aux représentants des différents personnels toute leur légitimité. Sans que soient niés pour autant la présence et le rôle des personnalités extérieures dans les différents conseils. Cette collégialité signifie d’abord un bon fonctionnement des institutions, sans que le conseil d’administration, qui se trouve en bout de chaîne du processus de décision, n’écrase l’ensemble des instances, mais qu’au contraire, dans les départements, les composantes et les trois conseils, l’ensemble des élus participe à la vie et à la gestion de l’université. Car la collégialité, cela ne signifie pas l’immobilisme et l’absence de décision ou le consensus tiède : cela veut dire aussi trancher et décider, avoir une véritable capacité d’action, mais en se soumettant aux règles du débat démocratique, avec l’ambition d’une gestion de la communauté universitaire par elle-même.

La démocratie est aussi une question centrale des rapports entre les universités et leur tutelle. A ce titre, le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche est révélateur d’hésitations et d’ambiguïtés. Tantôt, le choix d’une véritable décentralisation est pleinement assumé, et on ne peut que s’en féliciter, comme en ce qui concerne la future agence d’évaluation issue de l’AERES dont le rôle consisterait à valider les procédures d’évaluation des universités tout en leur donnant la possibilité de les mener à bien elles-mêmes. Tantôt, au contraire, on voit revenir la tentation d’une intervention directe de la tutelle, comme dans cette idée révélatrice, et heureusement corrigée, de faire nommer les personnalités extérieures du conseil d’administration par le recteur. Ou dans le projet de décider d’emblée qu’il faut une trentaine de contrats de site, ce qui, peu ou prou, signifie un contrat par académie hors Ile-de-France, et qui ressuscite donc sans débat une conception toute napoléonienne du territoire français du supérieur, dont rien ne prouve qu’elle soit adaptée à l’université du XXIe siècle.

Clarifier le rapport entre universités et ministère est un élément fondamental de la démocratie universitaire, au même titre que défendre la collégialité. Bien sûr, il est important que notre tutelle conserve une véritable capacité d’intervention, mais il faut trancher entre pilotage stratégique et pilotage opérationnel. Dans notre monde moderne, les universités doivent pouvoir décider de leur destin en toute responsabilité et en toute collégialité, et elles ont besoin d’un ministère qui fixe les orientations stratégiques en amont, et en contrôle la mise en œuvre en aval, sans mélange des genres, c’est-à-dire sans intervenir à chaque étape du travail opérationnel dont il deviendrait juge et partie. Voilà ce qui serait, il me semble, un pas vers une véritable autonomie, démocratique et décentralisée, à l’échelle des hommes et des territoires, dans leur diversité.


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